Négociations sur le désarmement nucléaire

En avril dernier, de passage à Prague, le président américain, Barack Obama, avait exprimé le souhait de voir un monde sans armes nucléaires. Et pour atteindre cet objectif, la nouvelle administration en place à Washington compte réduire fortement les arsenaux nucléaires en collaboration avec la Russie dans le cadre de la renégociation du traité START-1, signé par George Bush père et Mikhaïl Gorbatchev en 1991, qui expirera en décembre prochain.

Ainsi, les négociateurs russes et américains ont entamé de nouvelles discussions à Moscou, le 19 mai, pour tenter de trouver un compromis qui devra fixer le nombre de têtes nucléaires que chacun des deux camps pourra compter dans son arsenal, d’autant plus que la dissuasion nucléaire reste au coeur de la doctrine militaire russe.

« Cet accord pourrait intervenir à condition de respecter les conditions suivantes : premièrement, il faut prévenir la militarisation de l’espace. Deuxièmement, il est inadmissible de compenser les armes nucléaires en développant les systèmes stratégiques équipés d’armes conventionnelles. Trois, il faut garantir l’impossibilité de créer des potentiels nucléaires dits de retour » avait d’ores et déjà prévenu le président russe, Dmitri Medvedev, au cours d’une visite en Finlande, le 20 avril.

Les discussions devraient porter sur le dossier du bouclier antimissile américain, qui a justifié le retrait des Etats-Unis du traité ABM en 2001. Avec des éléments de ce système installés en Pologne et en République tchèque, Moscou considère que ce projet est une menace pour sa sécurité alors que Washington assure qu’il s’agit de se protéger de missiles susceptibles d’être tirés par des Etats voyous, Iran en tête.

Cela étant, un accord pourrait être trouvé pour réduire à 1.000 têtes nucléaires les arsenaux des deux pays. Un tel seuil est acceptable aussi bien pour les Etats-Unis que pour la Russie, qui bénéficient, en outre, d’une supériorité en armements conventionnels écrasante.

Par ailleurs, la question du désarmement nucléaire, portée par l’administration américaine, ne concerne pas seulement les deux anciennes puissances rivales du temps de la Guerre froide. En effet, le 15 mai dernier, les cinq membres du Conseil de sécurité des Nations unies (Etats-Unis, Russie, France, Grande-Bretagne et Chine), tous détenteurs de l’arme nucléaire, se sont engagés sans équivoque « à oeuvrer au désarmement nucléaire, qui est une obligation commune à tous les Etats parties au TNP (Traité de non-prolifération) ».

Or, jusqu’à présent, la France avait réussi à bloquer de telles initiatives, notamment en 2005, grâce au soutien de l’admnistration Bush. Cette fois, les 189 pays du comité préparatoire à la conférence de 2010 portant sur le réexamen du TNP de 1968, reconduit en 1995, se sont mis d’accord sur le fait que les cinq puissances nucléaires du Conseil de sécurité doivent faire des efforts en matière de désarmement.

La France a été contrainte de suivre, pour ne pas se retrouver isolée diplomatiquement et faire en quelque sorte cause commune avec l’Iran sur ce dossier. En outre, la nouvelle volonté américaine, impulsée par Barack Obama, suivie par le Premier ministre britannique Gordon Brown, pourrait avoir des conséquences sur le dissuasion française, sans que les efforts précédents consentis par Paris ne soient véritablement pris en compte.

Par le passé, la France a en effet démantelé ses missiles statégiques du plateau d’Albion ainsi que ses unités de production de matières fissiles de Pierrelatte et réduit de 500 à 300 le nombre de ses têtes nucléaires. De plus, Paris a été la première capitale à signer et à ratifier l’arrêt des essais nucléaires (Traité d’interdiction complet des essais nucléaires, CTBT, en attente d’être examiné au Sénat américain). En mars 2008, le président Sarkozy avait annoncé la diminution des capacités des forces aériennes stratégiques tout en plaidant pour la dissuasion nucléaire, « assurance-vie » de la Nation.

« Le fait qu’il y ait une réduction chez certains possesseurs d’un arsenal nucléaire dans le cadre du droit ne va pas forcément dissuader un groupe terroriste ou un pays de voulour accéder à cette arme en dehors du cadre international » avait fait valoir, en avril dernier, Eric Chevallier, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

Et pourtant, il est à craindre que la France fasse l’objet de pressions pour réduire plus encore son armement nucléaire, quitte à ce qu’il atteigne un seuil pouvant porter atteinte à la crédibilité de sa dissuasion nucléaire, notamment à cause de l’ordre du jour fixé par le comité de la future conférence de 2010 portant sur le TNP et du fait que la question du désarmement soit une priorité du président Obama.

Par ailleurs, Paris se retrouvera également isolé au sein de l’Otan. Le Royaume-Uni, seul membre européen de l’Alliance, avec la France, à disposer d’une force de frappe, s’est rangé du côté de Washington. Certains pourraient estimer que la dissuasion française ait perdu sa pertinence, alors que l’Hexagone peut prétendre à être protégé par le parapluie américain… Quoi qu’il en soit, cela promet des nuits difficiles pour les diplomates du Quai d’Orsay.

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