L’arsenal nucléaire pakistanais et la menace islamiste

La récente progression des taliban vers des districts proches d’Islamabad a ravivé les inquiétudes de voir tomber entre leurs mains une partie de l’arsenal nucléaire pakistanais, développé au cours de ces dernières années pour ne pas être en reste par rapport à l’ennemi historique indien.

Avant d’être assassinée, en décembre 2007, Benazir Buttho redoutait de voir du matériel nucléaire détourné à terme par les taliban si ces derniers n’étaient pas neutralisés. Un crainte qui est également partagée par Rolf Mowatt-Larssen, du Belfer Center. Lors d’une réunion de l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA), tenue à la fin du mois de mars à Vienne, ce spécialiste de la prolifération des armes de destruction massive a en effet estimé que la Pakistan est la cible idéale pour les terroristes islamistes en quête de matériaux et de savoir-faire pour concevoir une arme nucléaire.

Cependant, les autorités pakistanaises se veulent rassurantes. « Il n’y a pas de raison de s’inquiéter » a indiqué Mohammed Khaliq, un ancien directeur du « plan d’action » pakistanais pour la sécurité nucléaire, dont les propos ont été rapporté par Maurin Picard, du Figaro. « Toutes ces perceptions sont fausses. Notre sécurité nucléaire correspond à ce qui se fait de mieux dans le monde » a-t-il ajouté.

De fait, les autorités d’Islamabad assurent que les mesures mises en place sont suffisantes pour éviter que le pire ne se produise. La soixantaine de têtes nucléaire qui constituent l’arsenal pakistanais seraient ainsi stockées dans des endroits différents de ceux où sont placés les systèmes de lancement et les détonateurs. Les armes seraient en outre disséminées sur plusieurs sites protégés, vraisemblablement au sud de la capitale.

Pour qu’elles soient sorties des dépôts, il faut un code qui doit être authentifié par au moins deux personnes. En outre, chaque installation du programme nucléaire est surveillée par des troupes spécialement formées à cet effet et leur survol est interdit. Enfin, le personnel fait l’objet d’un contrôle étroit des services de renseignement pakistanais.

Ces mesures suffisent-elles à calmer les inquiétudes, notamment exprimées par l’administration américaine? « Je suis confiant dans le fait que l’arsenal nucléaire du Pakistan est en sécurité, principalement parce que l’armée pakistanaise reconnaît, à mon avis, le danger que représenteraient ces armes si elles tombaient entre de mauvaises mains » a déclaré le président Obama, le 29 avril dernier. « Nous voulons respecter notre souveraineté, nous reconnaissons aussi que nous avons des intérêts stratégiques immenses, des intérêts quant à notre sécurité nationale qui demandent que le Pakistan soit stable et qu’on ne se retrouve pas avec des militants ayant une arme nucléaire » a-t-il toutefois ajouté, n’excluant pas ainsi une éventuelle intervention si l’évolution de la situation l’exige.

Seulement, le New York Times, dans son édition du 4 mai, s’est fait l’écho de l’inquiétude de responsables américains concernant la vulnérabilité de l’arsenal nucléaire pakistanais. La crainte est de voir des taliban s’emparer de matériels ou de matériaux nucléaires lors d’un transport ou encore qu’ils aient la capacité d’infiltrer un site sensible tel qu’un laboratoire d’enrichissement de combustible.

Cette perspective est loin d’être infondée quand l’on sait que des membres des services de renseignements pakistanais, le puissant Inter-Service Intelligence (ISI), et notamment de la mystérieuse S Wing, apportent une aide logistique et financière aux taliban afghans, qui en fait sont très proches de leurs homologues pakistanais étant donné qu’ils appartiennent à la même éthnie pachtoune. « Avec l’antiaméricanisme qui atteint des sommets au Pakistan, on peut redouter qu’il y ait des sympathies pour la cause des extrémistes au sein même de ceux chargés d’assurer la sécurité de l’arme nucléaire » redoute le quotidien The Dawn.

Par ailleurs, le père de la bombe nucléaire pakistanaise, le docteur A.Q Khan, n’a pas hésité par le passé à livrer des secrets de fabrication aux Iraniens, aux Libyens et aux Nord-Coréens sans que cela n’ait troublé Islamabad avant que ces affaires de prolifération ne soient révélées en 2004. Enfin, deux anciens membres de la commission pakistanaise à l’énergie atomique, Chaudiri Abdul Majeed et Sultan Bashiruddin Mahmood, sont fortement suspectés d’avoir rencontré Oussama Ben Laden, le chef du réseau al-Qaïda, avant les attentats du 11 septembre.

Reste à déterminer le degré de fiabilité de l’armée pakistanaise, actuellement dirigée par le général Ashfaq Parvez Kayani, cet ancien chef de l’ISI, classé en 2008 par le magazine Time parmi les 100 personnalités les plus influentes au monde. Cette dernière passe pour être sérieuse et disciplinée et elle a subi des pertes assez lourdes, notamment lors des combats de la vallée de Swat qui ont précédé l’accord y instaurant la charia en échange d’un cessez-le-feu, en février dernier. Mais l’armée du Shah d’Iran était pratiquement dans les mêmes dispositions avant la révolutions islamique de 1979, à laquelle elle s’est finalement ralliée.

Pour l’instant, l’heure est à l’offensive contre les taliban, ce qui « encourage » l’amiral Michael Mullen, le chef d’état-major interarmées américain. Toutefois, « il est trop tôt pour dire si ces opérations auront un impact décisif sur le long terme » a-t-il nuancé.

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