La stratégie U.S. pour l’Afghanistan passe par Islamabad

Le président américain, Barack Obama a parlé du dossier afghan, le 22 mars à l’antenne de CBS, en évoquant une « stratégie de retrait ». « Nous ne pouvons pas penser que la seule approche militaire en Afghanistan sera en mesure de résoudre nos problèmes » a-t-il déclaré. « Donc, nous visons une stratégie globale. Et il y aura une stratégie de retrait (…). Il faut avoir à l’esprit que ce ne sera pas une dérive perpétuelle » a-t-il encore ajouté.

La vision de l’administration américaine de la nouvelle stratégie à appliquer à l’Afghanistan a été exposée par Richard Holbrooke au secrétaire général de l’Otan, Jaap de Hoop de Scheffer, ainsi qu’aux 26 ambassadeurs des pays membres. « Je ne crois pas qu’ils en soient arrivés à des conclusions définitives, mais leur pensée est pratiquement finalisée » a commenté le porte-parole de l’Alliance, James Appathurai.

Cela étant, le représentant spécial du président Obama pour l’Afghanistan et le Pakistan (AfPak), a dévoilé les grandes lignes de cette stratégie lors d’un colloque à Bruxelles, le 21 mars dernier.

Ainsi, et comme on pouvait s’y attendre, l’accent sera mis sur des actions civiles qui viendront en complément des opérations militaires. Trois axes devraient être prioritaires : la police, l’agriculture et la santé.

Pour le premier point, il s’agit de rendre plus efficace la police afghane, qui passe pour être corrompue en plus d’être en sous-effectif. Selon Hamid Karzaï, le président afghan, il faudrait près de 200.000 policiers pour assumer les tâches sécuritaires du pays. Cela impliquera donc la mise en place d’un vaste programme de formation, avec à la clé l’envoi de 2.000 à 3.000 instructeurs. L’enjeu est, à terme, de pouvoir constituer des forces de police capables de remplir les missions qui incombent actuellement aux troupes de la Force internationale d’assistance à la sécurité, déployée sous la bannière de l’Otan.

En second lieu, l’agriculture est également un domaine clé dans la mesure où l’objectif est d’inciter les paysans afghans de cesser la récolte du pavot dont la vente sert à financer les mouvements d’insurgés.Or, à l’heure actuelle, près de 800 millions de dollars sont dépensés en pure perte par les Etats-Unis pour atteindre cet objectif : les paysans afghans perçoivent des subventions pour détruire leurs champs de pavot tout en continuant d’en cultiver d’autres. Des experts civils seront donc envoyés en Afghanistan pour les aider à développer des cultures vivrières.

Mais le point central de cette stratégie concerne Islamabad, comme le suggère d’ailleurs l’intitulé de la fonction de Richard Holbrooke. Les insurgés afghans trouvent refuge dans les zones tribales pakistanaises, ce qui complique énormément la tâche des forces de l’Otan car ces dernières n’ont pas le droit de les poursuivre jusqu’au Pakistan. « C’est une ligne rouge pour le gouvernement pakistanais que nous devons de respecter » a averti Richard Holbrooke à Bruxelles.

« Ceux qui représentent la vraie menace directe contre nous, ceux qui ont planifié le 11 septembre, ceux qui ont assassiné Benazir Bhutto, ceux qui ont commis les atrocités de Bombay (…), ceux-là même ne sont pas en Afghanistan mais au Pakistan, dans les zones tribales à l’ouest et dans une partie du Balouchistan. (…) C’est là que se situe le coeur du problème » a affirmé le réprésentant américain pour l’AfPak..

En d’autres termes, la solution au problème afghan passe par Islamabad, qui est d’ailleurs à l’origine de la prise de pouvoir du mouvement taleb à Kaboul dans les années 1990. « Nous sommes tous très préoccupés par ce qui se passe au Pakistan, zone encore plus sensible que l’Afghanistan. C’est un enjeu majeur de sécurité pour tout le monde » a répété Richard Holbrooke lors d’une rencontre avec les réprésentants des 27 Etats membres de l’Union européenne et au cours de laquelle il a a évoqué la stratégie américaine pour le règlement du dossier afghan.

La stabilité du Pakistan – qui dispose de l’arme nucléaire – passe par une amélioration de sa situation économique, qui est loin d’être florissante et qui a obligé déjà le FMI à intervenir l’an passé. C’est donc la raison pour laquelle les Etats-Unis ont déjà demandé à la Commission européenne d’augmenter l’aide financière qu’elle accorde à ce pays et qui est actuellement de l’ordre de 50 millions d’euros par ans.

Mais bien évidemment, cela ne suffira pas à lutter efficacement contre les taliban et autres militantes d’al-Qaïda qui y ont trouvé une zone de repli. C’est donc pourquoi Washington cherche actuellement à impliquer l’Iran, la Chine mais surtout l’Inde dans la solution au problème. Pourquoi New Delhi? Eh bien parce qu’une détente avec Islamabad au sujet du Cachemire permettrait à l’armée pakistanaise de redéployer une partie de 80% de ses effectifs actuellement stationnés à la frontière indienne pour s’attaquer aux taliban et à leurs alliés. Quant à la Chine, elle entretient des relations étroites avec le Pakistan, notamment au niveau des armements.

Un autre élément de la stratégie américaine repose sur la poursuite des frappes ciblées menées par des drones basés au Pakistan. Le nouveau directeur de la CIA, Leon Panetta, l’a d’ailleurs déjà indiqué lors d’une conférence de presse donnée en février dernier.

Enfin, le dernier volet connu pour l’instant a de quoi rendre sceptique. Il s’agit en effet d’appliquer le vieux concept du « diviser pour mieux régner » en retournant les insurgés qui agissent plus par appât du gain que par motivation idéologique et en s’appuyant sur les chefs de tribus. C’est en quelque sorte l’idée qu’a appliquée le général David Petraeus en Irak.

Or, comme l’a souligné Dan Green, un expert militaire américain, dans un article publié en novembre dernier dans l’Armed Forces Journal, la réalité afghane n’est pas celle de l’Irak et il n’est pas certain que les recettes qui ont été petinente pour le second cas le soient également pour le premier.

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