Réorientation de la politique de défense américaine

Portrait du général ShermanLes récentes interventions de Robert Gates, l’actuel secrétaire américain à la Défense, maintenu dans ses fonctions par le prochain président Barack Obama, laissaient entrevoir une évolution dans la politique militaire des Etats-Unis.

Dans un long article publié par la revue Foreign Affairs, Robert Gates remet en cause le « tout technologique » dans l’optique de préparer un éventuel conflit conventionnel de grande ampleur.

« Nous devons être modestes au sujet de ce que la force militaire peut accomplir et ce que la technologie peut faire », écrit-il, tout en reconnaissant que les avancées en matière de précision des frappes et du renseignement ont donné une certaine avance à l’armée américaine, avance qui a pu être mesurée lors des dernières interventions militaires menées par les Etats-Unis, notamment dans les phases de conquête comme contre les Taliban en 2001, défaits en moins de 3 mois, et l’Irak en mars 2003.

Pour Robert Gates, la technologie ne pourra pas changer la nature de la guerre, qui sera « inévitablement tragique et incertaine » et il convient d’être sceptique face aux « systèmes d’analyse » ou encore aux « modèles informatiques » et autres doctrine susceptibles de laisser penser le contraire. Pour illustrer son propos, Robert Gates cite le général William Tecumseh Sherman, selon qui « tout tentative de faire une guerre simple et en toute sécurité se traduira par l’humiliation et la catastrophe. » De quoi ecorner le mythe de la guerre avec « zéro mort », né en partie avec la première Guerre du Golfe, en 1991.

« La capacité des Etats-Unis à faire face aux menaces futures dépend de ses performances dans les conflits actuels », prévient le secrétaire à la Défense. Ainsi, les forces armées américaines « ne doivent pas se focaliser sur la préparation à de futurs conflits conventionnels au point de négliger de fournir toutes les capacités nécessaires pour gagner le type de guerre » dans lesquelles elles sont actuellement engagées. « Le guerre contre le terrorisme signifie une longue campagne mondiale de type irrégulier, une lutte entre les forces violentes de l’extrêmisme et celles de la modération » estime ainsi Robert Gates.

La dernière directive signée par le vice-secrétaire à la Défense, Gordon England, rendue publique le 4 décembre dernier, va dans le sens voulu par Robert Gates. « La guerre irrégulière est stratégiquement aussi importante que la guerre traditionnelle », est-il écrit dans le document. Les retours d’expériences d’Irak et d’Afghanistan indiquent qu’il est nécesssaire pour les Etats-Unis « d’améliorer leurs compétences » en matière de conflits dits asymétriques, qui recouvrent le contre-terrorisme et la contre-insurrection, mais pour ce qui concerne les « opérations de stabilité » dans des Etats « fragiles. »

Ce réajustement de la politique de défense américaine, qui met donc au même niveau la guerre conventionnelle traditionnelle et les conflits asymétriques, aura donc des conséquences sur les dépenses d’équipements. Dans un contexte de rigueur budgétaire, les programmes les plus technologiquement avancés – comme celui de l’avion furtif F-22 – seraient donc menacés au profit d’autres, plus modestes, mais surtout plus efficaces pour mener les guerres contre-insurrectionnelles.

A lire : « La technologie militaire en question, le cas américain« , par Joseph Henrotin (collection « Stratégies & Doctrines », Economica)

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]