Chronique de la piraterie ordinaire

Malgré la présence accrue de bâtiments de guerre déployés pour protéger le trafic maritime au large de la Corne de l’Afrique, le rythme des attaques de pirates somaliens n’a pas faibli et aurait même tendance à s’accélérer.

« La situation observée ces dernière semaines fait ressortir une augmentation anormale des actes de violence et de saisies de navires malgré le renforcement de la sécurité dans la région », confiait, à l’AFP, il y a peu, Noel Choong, le directeur du Centre d’observation de la piraterie du Bureau Maritime International (BMI) de Kuala Lumpur.

Depuis le début de l’année, selon les chiffres du BMI de la mi-novembre, ce sont 94 bateaux qui ont été attaqués par les pirates, rien qu’au large des côtes somaliennes. Parmi eux, 38 ont été effectivement saisis, 17 sont encore retenus, ainsi que 250 membres d’équipage.

La tâche n’est pas facile pour les différentes forces navales chargées d’assurer la sécurité de cette route maritime stratégique pour le commerce international et l’approvisionnement en produits pétroliers.

Avec près de 2 millions de kilomètres carrés, l’espace à surveiller est immense et c’est encore sans compter sur les 16.000 navires qui y transitent et qui font autant de cibles potentielles pour les pirates, qui, en plus, ne sont pas trop inquiétés par les autorités somaliennes, déjà aux prises avec une insurrection islamiste qui cherche à reprendre le pouvoir qu’elle a brièvement occupé en 2006.

Pour compliquer encore la donne, le risque de commettre une bavure est aussi à prendre en considération. Ainsi, une frégate indienne, le INS Tabar, a coulé, fin novembre, un chalutier thaïlandais, le Ekawat Nava, l’ayant pris pour un bateau pirate. Il est vrai qu’il avait reçu la visite de bandits somaliens quelques heures auparavant.

Les pirates somaliens seraient entre 400 et 500. Au fil des années, leur ambition a été proportionnelle à l’amélioration de leurs équipements. Des frêles bateaux en bois qu’ils utilisaient dans les années 1990 pour rançonner les touristes, ils sont passés à la vitesse supérieure en se procurant des embarcations rapides. Ils sont par ailleurs bien armés et friands des lance-roquettes. Ils savent utiliser le GPS et ne se privent pas de communiquer par téléphones satellitaires. Ils ont en outre une bonne connaissance des réglementations internationales dans le domaine maritime.

Tous ces facteurs font que les pirates osent désormais monter de gros coups, comme par exemple la saisie, en septembre, du cargo ukrainien « Fainia » avec 33 chars T-72 dans ses cales ou encore la prise spectaculaire d’un superpétrolier saoudien, le Sirius Star, un mastodonte des mers, à 450 miles nautiques (800 km) au sud-est de Mombasa au Kenya.

Si un règlement a pu être trouvé, le 1er décembre, pour le Fainia et ses chars, le situation est toujours bloquée pour le Sirius Star, tombé aux mains des pirates le 15 novembre dernier, malgré l’expiration, hier, de l’ultimatum fixé par les pirates, qui demandent, pour restituer le navire, l’équipage et sa cargaison, une rançon de 25 millions de dollars.

A la question de savoir si les pirates ont un lien avec les islamistes qui cherchent à prendre le pouvoir en Somalie, la saisie du Sirius Star fournit justement un élément de réponse. « L’Arabie saoudite est un pays musulman et détourner son navire est un crime plus grave que s’il s’agissait d’autres navires » a fait ainsi valoir à l’agence Reuters le cheikh Abdirahim Isse Adow, un porte-parole des djihadistes.

Pour l’heure, aucun lien entre les réseaux terroristes et les pirates n’a pu être formellement établi. Les bandits des mers ne seraient en outre pas bien vu par les islamistes qui ne verraient pas la couleur du butin alimenté par les diverses rançons versées par les armateurs pour récupérer leurs équipages et leurs biens.

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