Uzbeen : Doutes sur un rapport « secret » de l’Otan

Après l’affaire d’un document attribué à la Frenic de Kaboul dont des extraits ont été publiés par le Canard Enchaîné au début du mois et au sujet duquel il y a de bonnes raisons de douter de la véracité, le journal canadien Globe & Mail s’est fait l’écho, à la veille du débat parlementaire portant sur l’engagement français en Afghanistan, d’un « rapport secret » de l’Otan concernant l’embuscade de la vallée d’Uzbeen, où 10 soldats français ont été tués, le 18 août dernier.

Ainsi, le document indique que le détachement français tombé dans l’embuscade se serait trouvé à court de munitions « après seulement 90 minutes d’engagement’ et n’aurait eu « qu’une seule radio » vite mise « hors service » tout en soulignant que les assaillants étaient bien armés et « dangereusement bien préparés », avec la présence parmi eux de « tireurs d’élite dont la précision était excellente. »

Par ailleurs, le journal canadien est revenu sur l’attitude des forces afghanes qui accompagnaient les Français. Ces dernieres auraient fui les combats, « laissant sur place ses équipements militaires. » Sur ce point, le général Puga, lors de sa conférence de presse du 3 septembre, avait précisé que la section de l’armée nationale afghane (ANA) avait tenté une contre-attaque qui fût « stoppée par un tir nourri. »

Du côté de l’Otan, l’existence de ce « rapport confidentiel » a été démentie dès dimanche après-midi. « Je suis en mesure d’affirmer qu’il n’y a aucun rapport de l’Otan sur ces évènements », a affirmé James Appathurai, le porte-parole de l’Alliance atlantique. « L’Otan n’a aucun doute sur les capacités et l’entraînement des forces françaises. Nous n’avons aucune information indiquant que les forces françaises étaient sous-équipées » a-t-il ajouté.

Pour l’état-major des armées, le son de cloche a été le même, son porte-parole, le capitaine de vaisseau Christophe Prazuck, ayant qualifié le document en question de « rumeurs » transformées en « rapport secret. » Pour le lieutenant-colonel Bruno Louisfert, en poste actuellement auprès du général Stollsteiner, le commandant du RC-C Kaboul, « il n’y a rien de nouveau dans ce qu’écrit le Globe and Mail. Ce ne sont que de vieilles rumeurs et je m’interroge même sur la sortie d’un tel article à la veille du débat parlementaire sur l’engagement français en Afghanistan. »

Les interrogations de cet officier sont partagées par le ministre de la Défense, Hervé Morin. Invité au micro de RTL, le 22 septembre, il a laissé planer le doute sur une éventuelle « manipulation », après avoir reconnu toutefois, qu’un document concernant l’embuscade d’Uzbeen existait bel et bien mais qu’il s’agissait d’un « compte rendu parcellaire », rédigé par un « officier du JOC (Joint Operation Center), le centre opérationnel » de l’ISAF, « le lendemain ou dans les 48 heures » qui ont suivi. « C’est un compte rendu, un mail avec un certain nombre d’éléments faux » a ajouté le ministre.

Le chef d’état-major des armées (CEMA), le général Jean-Louis Georgelin, n’a pas dit autre chose, le même jour, à l’antenne d’Europe 1. « On essaie de faire passer pour un rapport (…) des éléments de compte rendu réalisés à chaud par un des participants », a-t-il déclaré. Ce document proviendrait, selon lui, d’un « élément des forces spéciales américaines. »

Concernant les « révélations » dudit document, le général Georgelin a précisé qu’à « aucun moment l’ensemble du dispositif n’a manqué de munitions ». Par ailleurs, le « compte rendu » en question n’explique pas comment la section CARMIN 2 du 8e RPIMa ait pu demander un appui aérien, 25 minutes après le début des combats selon la chronologie donnée par le général Puga, si la seule radio dont elle disposait était hors service. Il aura fallu 10 minutes aux A-10 américains pour arriver sur la zone et renoncer, dans un premier temps, à tirer sur les talibans étant donné leur trop grande proximité avec les soldats français.

Le Globe and Mail a toutefois maintenu ses informations. Le quotidien canadien « a obtenu le rapport en question d’une source fiable et a vérifié son authenticité avec d’autres sources » a fait valoir un de ses responsables. « C’est un document sur papier qui m’a été remis, il s’agit d’un examen par l’Otan des évènements des 18 et 19 août » a indiqué Graeme Smith, l’auteur de l’article. « Ce qui est intéressant, c’est la sémantique utilisée par le démenti. Ils disent qu’un rapport spécial n’existe pas. C’est exact : c’est un rapport tout à fait ordinaire », a-t-il précisé à un de ses confrères de la chaîne de télévision France 24.

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