La mise au point du général Puga

Le Canard Enchaîné est revenu, dans sa dernière édition, sur le sérieux accrochage de la vallée d’Uzbeen, qu’il qualifie « d’échec militaire », les combats ayant fait 10 morts dans les rangs français.

« Dès le début de l’embuscade, quatre militaires français ont été faits prisonniers et exécutés par les insurgés » écrit l’hebdomadaire satirique, qui fait ainsi écho à une rumeur persistante allant dans ce sens, relayée dans un premier temps par le quotidien britannique « The Guardians ».

Le journal affirme également que l’interprète qui accompagnait la section Carmin du 8e RPIMa, qui, la première, a subi le feu des talibans, se serait volatilisé avant les combats. « Le simple bon sens aurait dû conduire ses chefs (ndlr : de l’interprète) à craindre qu’il n’ait alerté les insurgés de l’arrivée de cette patrouille », peut-on lire dans l’article du Canard enchaîné, qui, en citant un « officier de haut rang en poste à Kaboul », s’interroge sur l’absence de reconnaissance aérienne préalable.

L’hebdomadaire reprend à son compte d’autres questions posées par un « officier qui connaît la région ». Ce dernier se demande pourquoi les unités engagés dans les combats n’avaient pas installé « des mortiers de 81 face au col d’où venaient les insurgés », « emporté des mortiers de 120 » ou « tiré des missiles Milan, voire des obus fumigènes pour dégager nos soldats. »

Suite à cet article, le ministère de la Défense, que ce soit par la voix de son porte-parole ajoint, le général Christian Baptiste, ou celle du ministre, Hervé Morin, a officiellement démenti que des militaires français aient été exécutés après avoir été faits prisonniers par les insurgés islamistes. Envoyée spéciale en Afghanistan de la station de radio Europe1, la journaliste Claire Billet a confirmé l’existence de cette rumeur mais n’a pas été en mesure de trouver des éléments pour la prouver, même en interrogeant des civils afghans de la vallée d’Uzbeen et qui ont été témoins des combats.

Prochain patron de la Direction du renseignement militaire (DRM) et actuel sous-chef « opérations » à l’état-major des armées, le général Benoît Pulga a coupé court à toutes ces rumeurs lors d’une conférence de presse, le 28 août.

Premier point : « L’adversaire a été détruit. Ils ont pris une sacrée raclée », a ainsi déclaré le général Pulga. Le bilan parle de lui-même : au moins 40 talibans ont en effet été tués – sur la centaine engagée – au cours des combats qui ont suivi l’embuscade. Une quarantaine d’autres ont connu le même sort les jours suivant, au cours d’opérations dans la région menées par des forces spéciales. « Predator, avions et hélicoptères ne sont pas restés aveugles » a précisé le général Puga. Ainsi, « une colonne de talibans » et « des caches d’armes » ont été détruites.

« La tradition chez eux est de retirer les corps » a par ailleurs avancé le général Puga pour expliquer le fait que les soldats de l’ISAF n’aient pas retrouvé de cadavres de talibans après les combats de la vallée d’Uzbeen. Selon lui, la population aurait été contrainte de les aider à cette tâche.

Pour le général Puga, les choses sont donc claires : même si les Français ont perdu 10 des leurs, leur mission a été un succès puisque les assaillants ont été « mis en fuite » et que des dépôts d’armes et de munitions ont été détruits. A cette occasion, il s’en est pris « à certains tacticiens en herbe ou chambre qui viennent porter un jugement à 7.000 km, confortablement installés dans leur fauteuil. »

L’ancien chef de corps du 2e REP est revenu sur les conditions dans lesquelles se sont déroulés les combats. Les véhicules de la patrouille ont été obligés de s’arrêter au village de Sper Kunday, situé à 1,5 km du sommet du col où a été tendue l’embuscade (1900 m d’altitude), que l’on peut atteindre qu’en empruntant un sentier impratiquable pour des engins blindés. Les hommes de la section du 8e RPIMa (Carmin 2) ont essuyé les premiers tirs des talibans alors qu’ils se trouvaient à une cinquantaire de mètres du sommet.

Aussi bien la section du « 8 » que celle du Régiment de Marche du Tchad (Rouge 4) étaient équipées de mortiers de 81 mm, qui n’ont pas pu être mis en batterie en raison des circonstances du combat. Par ailleurs, les mitrailleuses de 12,7 mm montées sur leurs VAB (véhicules de l’avant blindé) n’ont pas pu être utilisées. Près d’1h20 après le début de l’embuscade, une section du RMT, avec des canons de 20 mm, des missiles Milan et des mortiers de 81 mm, est intervenue en renfort. Voilà de quoi répondre à l’officier cité par le Canard Enchaîné… Nul doute que si de tels moyens avaient pu être employés au moment des combats (notamment les mortiers de 81), ils l’auraient été.

Le général Puga a souligné « l’héroïsme » des soldats français lors de cette embuscade. « Ils sont morts au combat, mais qu’ils soient morts par arme blanche ou arme à feu de change rien », a-t-il expliqué, démentant ainsi que des paras du 8 aient été fait prisonniers avant d’être exécutés par les talibans. La proximité des Français et des insurgés (une quarantaine de mètres) laisse présager de la violence des combats, voire de corps-à-corps, impliquant des armes blanches.

Enfin, le général Puga a tenu à remettre les choses au clair concernant l’interprète, accusé de trahison par le Canard Enchaîné. Le détachement qui composait la patrouille comptait quatre interprètes. L’un d’eux, présent auprès des hommes du 8e RPIMa, a été tué « à côté du chef de section », au début de l’embuscade. Quant aux trois autres, « ils ont suivi l’ensemble de l’opération, ont été engagés au combat avec cette section et sont rentrés sur la base d’opérations avancée avec elle », a expliqué le général Puga.

Cela étant, et pour reprendre les termes du chef d’état-major des Armées, le général Georgelin, l’embuscade a été « bien montée », ce qui suppose que les talibans, ou leurs alliés, disposaient de renseignements pour mettre en place leur piège. Si les interprètes sont exempts de tout soupçon – et l’on voit mal comment il pourrait en être autrement au vu des explications données par le général Puga – la question de savoir qui a trahi les militaires français mais aussi ceux de l’armée nationale Afghane reste posée.

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