Surcouf : On n’en saura pas plus

Selon l’entourage du ministre de la Défense, Hervé Morin, l’enquête de la Direction de protection et de la sécurité de la défense (DPSD) concernant les membres anonymes du groupe Surcouf est abandonnée sans qu’elle ait aboutie.

Le collectif Surcouf, composé d’officiers de haut rang, avait critiqué la réforme annoncée des armée en publiant une tribune dans les colonnes du Figaro. Dès le lendemain de la parution de l’article, Hervé Morin avait rappelé, dans un entretien donné au même journal, le devoir de réserve qui incombe à tout militaire. Dans le même temps, le coup de plume de Surcouf avait mis en colère le chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy.

Pour le pouvoir politique, il fallait alors identifier les membres du collectif Surcouf et le cas échéant, les sanctionner. C’est en tous les cas ce qui avait été donné à comprendre dans les propos d’Hervé Morin recueillis par François d’Orcival et Frédéric Pons de l’hebdomadaire Valeurs Actuelles. Cependant, pour le général Georgelin, chef d’état-major des armées (CEMA), il n’était pas question de mener une quelconque chasse aux sorcières. « Je connais l’histoire de l’institution militaire pour savoir les dégâts qu’ont causé des actions similaires dans le passé » avait-il alors affirmé à l’antenne d’Europe 1, le 4 juillet dernier.

Deux jours plus tard, le ministre de la Défense se rangeait derrière l’avis du CEMA et qualifiait même l’affaire Surcouf de « très secondaire » lors du Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro tout en mettant en doute implicitement la compétence des auteurs de la tribune incriminée. Le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, invité à s’exprimer quasiment au même moment sur Europe 1, allait dans le même sens, accusant même les membres du collectif Surcouf de « très grande légèreté. »

Pour autant, et même si Hervé Morin avait relativisé la portée de l’affaire Surcouf, l’enquête de la DPSD était toujours en cours. Ainsi, ne suivant pas les intuitions du ministre de la Défense et du secrétaire général de l’Elysée, les soupçons des limiers de l’ancienne Sécurité militaire se portèrent sur des stagiaires du Centre des hautes études militaires (CHEM), avec l’analyse des disques durs d’ordinateurs portables. Cette initiative aurait, paraît-il, fortement déplu au ministre.

Dans le même temps, le Nouvel Observateur et le Figaro faisaient état d’une enquête confiée officieusement par la présidence de la République à la Direction de la surveillance du territoire (DST, nouvellement intégrée à la DCRI). Malgré le démenti du ministère de l’Intérieur, les deux journaux ont maintenu leur information et sont allé jusqu’à affirmer que les membres de Surcouf avaient été démasqués.

Comme on le voit, cette affaire avait été jugée, dès le début, assez grave pour qu’il y ait des sanctions prononcées à l’encontre de ces officiers qui avaient osé exprimer leurs réserves à l’égard du Livre blanc et de la réforme que ce dernier proposait. Puis de grave, elle est devenue « mineure », les membres de Surcouf étant qualifiés d’incompétents et de ne pas maîtriser leur sujet. Concernant le dernier point, leur article publié par Le Figaro a été accueilli défavorablement par certains et jugé pertinent par d’autres.

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer la fin de la traque des officiers du groupe Surfouf. Soit ces derniers demeurent effectivement inconnus (contrairement à ce qu’ont indiqué le Figaro et le Nouvel Observateur) et l’arrêt de l’enquête visant à les identifier marque la volonté de la part de l’exécutif d’adoucir les angles avec une institution malmenée ces derniers temps et qui a devant elle une « révolution copernicienne » (pour reprendre les mots du ministre de la Défense) à mener.

Soit les officiers de Surcouf ont été démasqués et la révélation de leur identité serait un camouflet pour ceux qui les ont accusé de parler de choses qu’ils ne maîtrisaient pas. La piste du CHEM suivie par la DPSD et la rumeur selon laquelle l’actuel commandant du Centre de doctrine d’emploi des forces de l’armée de Terre et futur patron du Collège interarmées de défense (CID), c’est à dire le général Vincent Desportes, ferait partie du collectif Surcouf, plaideraient pour cette hypothèse. On comprendrait aisément, dans ces conditions, la nécessité de minimiser l’affaire Surcouf et de ne pas lui donner autant de publicité.

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