Morin en couverture

« Vous êtes tous des irresponsables, pas des professionnels! » aurait lancé le président Sarkozy en pointant du doigt celui qui était alors encore le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), le général Cuche. Cette scène, rapportée par l’hebdomadaire « Le Point », et confirmée par le blog Secret Défense, serait la raison officieuse qui aurait poussé le général Cuche à présenter sa démission au chef de l’Etat.

Parmi ceux qui lui sont proches et qui ont pu lui parler après l’annonce de son départ de son poste ont livré quelques précisions au Figaro. « Il n’a pas accepté d’être traité d’incompétent par le président. Il s’est senti insulté, blessé » a affirmé l’un d’eux. Pour un autre, « c’est un coup d’éclat non anonyme cette fois pour protester contre le mépris dans lequel lui et l’armée de Terre sont tenus par le pouvoir. »

Le fait est, Nicolas Sarkozy n’a jamais montré un réel intérêt pour les affaires de défense. De plus, Il a commis quelques impairs, avec notamment l’annulation de sa visite au contingent français de la FINUL lors de son récent voyage au Liban, annulation qui a été mal perçue. Et puis les réformes qu’il souhaite imposer aux armées ne passent pas et les conclusions du Livre blanc sur la défense sont loin de faire l’unanimité parmi les militaires.

Enfin, la présence, le 14 juillet prochain, de Bachar el-Assad, le président d’un pays soupçonné d’être impliqué dans l’attentat du 22 octobre 1983 contre l’immeuble « Drakkar » où étaient cantonnées les hommes du 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes et qui avait fait 58 morts, n’enthousiasme pas non plus les militaires, d’autant plus qu’une promotion de l’Ecole militaire interarmes (EMIA) portant le nom du lieutenant Dejean de la Bâtie, un officier tué justement dans cet attentat, défilera sur les Champs-Elysées.

Un climat de défiance s’est donc installé entre le chef de l’Etat et des militaires dont il ne semble pas comprendre les valeurs. Pour marquer son autorité sur eux, le président a eu l’intention de bloquer les nominations de généraux et les promotions de la Légion d’Honneur, avant de se raviser, semble-t-il après que ces informations aient été publiées par Le Point.

Cela étant, le chef de l’Etat, par ses propos, a donné l’impression d’exploiter l’inacceptable drame de la bavure de Carcassonne, au risque d’aggraver le fossé qui le sépare avec l’institution militaire. D’autant plus que ses accusations d’incompétence sont plutôt mal tombées, à l’heure où les premiers paras du 8e RPIMa, le régiment frère du 3e, arrivaient en Afghanistan, conformément à la décision qu’il avait prise en avril dernier.

C’est dans ce climat tendu entre le chef de l’Etat et les militaires que le ministre de la Défense, Hervé Morin, est intervenu à l’antenne d’Europe 1 ce matin, dans l’intention manifeste d’adoucir les critiques présidentielles. « J’étais présent, il vaut mieux arrêter de raconter n’importe quoi. Ce qu’a visé le président de la République en disant ‘tout ça n’est pas responsable’ ou ‘tout ça n’est pas professionnel’ ce n »était pas l’institution (militaire), c’était le fait divers en lui-même » a-t-il déclaré. Seulement, les témoins de la scène de Carcassonne où M. Sarkozy a tenu ses propos polémiques ont maintenu leur version des faits.

Quoi qu’il en soit, le mal est fait. Un général, cité par le quotidien Le Monde, résume sa perception de l’état d’esprit dominant parmi les militaires. « Comment peut-on, à partir d’une grave faute individuelle aux conséquences dramatiques, jeter ainsi l’opprobe sur tout une collectivité? Faut-il comprendre que les 350.000 militaires sont une bande de branquignols qui font n’importe quoi? Les gens se sentent insultés par cette mise au pilori collective. Comment voulez-vous, après cela, expliquer aux militaires que le président à raison sur le Livre blanc? » a-t-il expliqué.

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