Un autre 18 juin 1940

« Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. » C’est par ces mots que le général de Gaulle invitait les Français, le 18 juin 1940, à ne pas « cesser le combat » comme la voix chevrotante du maréchal Pétain le leur avait demandé la veille. Les images d’une armée française en déroute allaient par la suite conforter l’idée chez certains qu’elle ne s’était pas battue.

Or, ses pertes ont été au moins équivalentes à celles enregistrées lors des six premiers mois de la Première Guerre Mondiale. Les pilotes de l’armée de l’Air ont abattu près de 1.000 avions allemands, ce qui n’a pas été sans conséquence pour la Bataille d’Angleterre qui allait venir. Les chars de la 4e Division cuirassée de réserve, commandée par un certain colonel de Gaulle, s’est infiltrée pendant quelques jours dans le flanc de la progression allemande.

Mal équipée – hormis les chars Somua B1 et B1 Bis ainsi que les chasseurs Dewoitine 520 en petit nombre – mal commandée et surtout victime d’une doctrine stratégique inadaptée, l’armée française a fait ce qu’elle a pu en comptant sur le courage et le sens du sacrifice de ses hommes.

L’histoire militaire française est émaillée de résistances héroïques face à des ennemis supérieurs en nombre. C’est notamment le cas du siège par 20.000 Chinois de Tuyen-Quan, du 23 novembre 1884 au 28 février 1885, au Tonkin. Les 611 soldats français de la garnison, commandés par le commandant Marc-Edmond Dominé, qui deviendra par la suite colonel des troupes « coloniales » (aujourd’hui appelée Troupes de Marine), ont tenu bon jusqu’à l’arrivée d’une colonne de renforts.

Dans le même registre, il y a également la bataille de Camerone où une soixantaire de légionnaires résistèrent jusqu’à la mort à plus de 2.000 soldats mexicains. Leur exploit est commémoré tous les ans par la Légion étrangère car il symbolise les valeurs que cette Institution porte en elle depuis sa création en 1831 par le roi Louis-Philippe.

Et puis, il y a les combats de Xertigny, dans les Vosges. Ils se sont déroulés le 18 juin 1940 et dans la tempête politique d’alors dû à l’effondrement de la France, ils sont passés inaperçus, ou presque. Alors que Pétain a demandé l’armistice aux Allemands qui s’apprêtent à défiler à Paris, une centaine de soldats français, appartenant au 23e Groupe de reconnaissance, unité créée à partir d’éléments du 20e Régiment de Dragons, continuent de combattre.

Commandés par le chef d’escadrons Frédéric de Saint-Sernin, ces hommes vont se battre dès l’aube et pendant des heures contre des troupes allemandes dix fois supérieures en nombre et en armements. Les barricades dressées par les cavaliers du 23e GR tombent une à une, les canons allemands délivrent un déluge de feu sur le village dont les maisons s’effondrent. Aux environs de 19 heures, les soldats français encore en état de se battre se sont regroupés autour de leur chef au centre de Xertigny. Mais l’issue de ce combat ne laisse aucun espoir. Blessé et refusant néanmoins de se rendre, le commandant de Saint-Sernin trouve la mort les armes à la main alors que l’hôtel de ville où il s’était replié avec ses hommes est en flammes. Près de 44 Français ont été tué et 35 autres blessés au cours de ce combat.

L’attitude de ces cavaliers, et notamment celle de leur chef, aura fait une forte impression sur les officiers allemands. Ces derniers décident alors de lui rendre un hommage solennel et font jouer la Marseillaise sur la tombe du commandant Saint-Sernin, sur laquelle un colonel allemand dépose une couronne de feuilles de chêne avec l’inscription « Au brave commandant, défenseur de Xertigny. » Les soldats allemands vont même jusqu’à tirer une salve en l’honneur de ces militaires français morts pour leur pays.

Aucun d’entre eux n’aura pu entendre l’appel à la Résistance du général de Gaulle. Mais en ce 18 juin 1940, et malgré leur sacrifice oublié, ils auront été sans nul doute les premiers résistants d’une France qui ne voulait pas cesser d’exister.

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