Le général Thomann récidive

Après avoir publié, le mois dernier, une tribune remarquée dans les colonnes du journal Le Monde et dans laquelle il critiquait avec force les orientations dessinées par le futur Livre blanc sur la défense et la Révision générale des politiques publiques (RGPP), le général (2e section) Jean-Claude Thomann a récidivé au cours d’un entretien à l’hebdomadaire Valeurs Actuelles.

Déplorant le peu de places réservées aux militaires – qui sont les premiers concernés – au sein de la Commission du Livre blanc, le général Thomann a ainsi exprimé ses inquiètudes concernant l’avenir de l’armée de Terre qui fournit actuellement près de 85% des effectifs des engagements opérationnels français.

Ainsi, selon lui, une trop grande importance donnée au renseignement se traduirait par une diminution des moyens consacrés aux forces, d’autant plus qu’il n’est absolument pas question d’augmenter le budget de la défense. « A quoi servira de savoir si l’on n’a plus le pouvoir d’agir », s’interroge-t-il. Cette préoccupation rejoint les propos tenus par le général Georgelin, le chef d’état-major des armées (CEMA), lors d’un colloque sur la Défense le 14 mai dernier.

Autre point marquant abordé par le général Thomann : celui des équipements de l’armée de Terre, trop souvent négligés au cours de ces dernières années ou remisés au second plan face à des programmes majeurs concernant la Marine nationale et l’armée de l’Air. Ce problème de sous-équipement n’est pas nouveau et bien que la dernière loi de programmation militaire 2003-2008 ait été dans l’ensemble respectée, la situation ne s’est pas significativement améliorée.

L’officier a insisté d’ailleurs sur les risques encourus par les militaires français envoyés en opération à cause de matériels inadaptés, vieillissants et à bout de souffle. « Les autorités politiques doivent en être consciente et être prêtes à en assumer la responsabilité », a prévenu le général Thomann.

En effet, alors que les Américains ont tiré les conséquences de la menace que font peser les engins explosifs improvisés en mettant sur pied le programme des véhicules MRAP censés protéger plus efficacement leurs soldats, le ministère de la Défense n’a pu se contenter que de VAB modifiés avec des tourelleaux téléopérés, ce qui semble un peu léger…

Pour cet ancien commandant de la Force d’action terrestre, les réformes en cours auront des conséquences sur l’efficacité et la qualité des personnels des forces françaises. « Il n’y a peut-être pas besoin de personnel d’élite pour un armée appelée à faire de la figuration », a-t-il conclu.

Les propos de ce général ont agacé, paraît-il, le ministre de la Défense, Hervé Morin. Lors de son passage à l’antenne de LCI, le 16 mai, il les avait même qualifiés de « surprenants ». Or, le général Thomann n’est pas un nostalgique qui regretterait « la douceur des lampes à huile, la splendeur de la marine à voile, le charme du temps des équipages » (*).

Au contraire même, il est parfaitement habilité à s’exprimer sur le futur de l’outil de défense de la France, surtout au vu de son expérience opérationnelle acquise au cours de ses différentes affectations au sein des Troupes de Marine et des fonctions qu’il a exercées au plus haut niveau en état-major. La plupart des membres de la commission du Livre blanc sur la Défense ne peuvent pas en dire autant.

(*) Allocution du général de Gaulle du 14 juin 1960. La citation exacte étant : « Il est tout à fait naturel qu’on ressente la nostalgie de qui était l’Empire, tout comme on la douceur des lampes à huile, la splendeur de la marine à voile, le charme du temps des équipages. Mais quoi! il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités. »

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