Soupçons de collaboration nucléaire entre la Corée du Nord et la Syrie

Vol de reconnaissance au-dessus d’éventuelles installations nucléaires, attaque d’un convoi d’armes ou d’une base de missiles irano-syrienne, mise en garde contre l’Iran… Les hypothèses concernant les motivations qui ont poussé Israël à mener un raid aérien, le 6 septembre 2007, sur une cible située en Syrie ont été d’autant plus nombreuses que le gouvernement israélien a jusqu’à présent gardé le silence sur ce sujet et que Damas a protesté plutôt mollement de la violation de son espace aérien et n’a pas été tellement précis sur la nature des objectifs visés.

L’administration américaine n’a pas été non plus très bavarde sur le sujet. Fait rarissime, le président George W. Bush avait même refusé de répondre à une question posée par un journaliste concernant le raid israélien. Au cours de la même conférence de presse, il avait lancé un appel à la Corée du Nord de « cesser toute prolifération » nucléaire, ce qui avait rendu perplexes les observateurs.

Puis, des fuites provenant de différents responsables ont permis à la presse, notamment, d’avoir une idée plus précise de la nature du raid israélien. Ainsi, le Washington Post révélait que les Etats-Unis avaient informé Israël que des techniciens nord-coréens, spécialistes du nucléaire, se trouvaient en Syrie. C’est sur la base de ces renseignements que l’Etat Hebreu aurait décidé d’attaquer un site militaire syrien situé près de Deir-Ezzor.

Le 23 septembre, le Sunday Times s’était montré encore plus précis en affirmant que la base en question avait été mise sous surveillance israélienne quelques mois auparavant et qu’un commando d’élite était parvenu à s’y introduire pour saisir du matériel dont la provenance nord-coréenne ne faisait pas de doute.

L’audition des responsables du renseignement américain devant des membres du Congrès appartenant aux commissions de la Défense et des Affaires étrangères aura donc permis d’en apprendre davantage. Une vidéo, dont certaines images ont été obtenues par l’entremise d’une taupe ou par les services secrets israéliens, a ainsi été diffusée auprès parlementaires. Des copies ont été par ailleurs communiquées à certaines pays européens (dont la France) et à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à Vienne.

Ainsi, le film présente le site d’Al-Khibar, celui qui a été bombardé par l’aviation israélienne. Ce dernier aurait abrité un réacteur nucléaire en construction, développé avec l’aide de la Corée du Nord. Plusieurs images démontreraient des similitudes du projet syrien avec la centrale nord-coréenne au plutonium de Yongbyon. Après le raid, une délégation envoyée par Pyongyang se serait rendue sur les lieux pour en évaluer les dégâts.

De fait, les Américains accusent donc la Corée du Nord d’avoir apporté une aide pour la construction d’un réacteur nucléaire secret susceptible de produire du plutonium à des fins militaires. Toujours selon les preuves avancées par les services de renseignement, ce complexe était opérationnel dès le mois d’août 2007 et leur conclusion est sans appel : « Nous sommes convaincu, sur la base de diverses informations, que la Corée du nord a apporté son assitance aux activités nucléaires clandestines syriennes avant et après la destruction du réacteur. » Dans un communiqué, la Maison-Blanche précise que le projet nucléaire de Damas « n’avait pas de finalités pacifiques. »

Pour autant, si la Corée du Nord a effectivement collaboré au programme nucléaire syrien, il reste encore à déterminer si elle a également fourni le combustible nécessaire, ce qui n’est pas du tout évident.

La Syrie a, comme l’on pouvait s’y attendre, rejetté les accusations américaines. Cependant, ces dernières sont prises très au sérieux par l’AIEA qui a annoncé l’ouverture d’une enquête. Dans un communiqué, l’agence précise que « la Syrie a une obligation, au regard de l’accord sur les mesures de sauvegarde avec l’AIEA, de signaler la planification et la construction de toute installation nucléaire. »

Le directeur de l’AIEA, Mohammed ElBaradeï, a quant à lui regretté que les Etats-Unis ne lui aient pas préalablement transmis les informations qu’ils avaient en main concernant le réacteur nucléaire syrien dont la construction aurait commencé dès 2001. Il a en outre considéré que « le recours unilatéral à la force par Israël est une atteinte au processus normal de vérification qui est au coeur du dispositif de non-profilfération. »

Vues aériennes du site d’al-Khibar (Syrie). A gauche, avant le raid israélien du 06.09.2007

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