Les finances publiques menacent de couler le second porte-avions

Désiré, annoncé, programmé, reporté, promis, acquis puis remis en cause : à défaut de naviguer sur les océans du monde pour assurer une permanence aéronavale française, le second porte-avions (PA2) fait couler beaucoup d’encre et de salive.

Adopté lors du Conseil des ministres du 31 juillet 2001, le projet de loi de programmation militaire pour 2003-2008 avait conclu qu’il était urgent d’attendre. Aucune décision n’avait donc été prise pour lancer le chantier du PA2, bien qu’un rapport d’information du Sénat, signé par André Boyer, avait conclu à sa nécessité en 2000.

Le 20 février 2007, Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidence de la République, s’était déclaré favorable à la construction du PA2 car il s’agissait pour lui « d’une évidence opérationnelle et politique. »

En juin, Hervé Morin, fraîchement arrivé au ministère de la Défense, allait dans le sens du nouveau chef de l’Etat élu un mois plus tôt. « A priori, nous aurons un second porte-avions. C’est, disons, acté », avait-il déclaré au micro de France Inter. « Si on est cohérents avec nous-mêmes, dès lors qu’on a décidé de maintenir un groupe aéronaval et d’avoir une capacité de projection de puissance sur la mer à tout moment, il faut un second porte-avions, c’est la volonté du président de la République », avait-il ajouté.

Seulement, les militaires sont divisés sur la pertinence d’un second porte-avions. Chacun défendant son bout de gras, les « terriens » et les aviateurs préféreraient le voir rester dans les cartons pour pousser leurs propres programmes d’équipements tout aussi urgents. Quant aux marins, une partie d’entre eux préfererait que la priorité soit donnée aux sous-marins et aux frégates dont le financement risquerait de pâtir de la mise à l’eau d’un second groupe aéronaval.

Avec l’état actuel des finances publiques et la révision générale des politiques publiques (RGPP), l’heure est aux économies, ou du moins à la rationalisation et aux choix qui ne peuvent plus attendre. Or, le coût d’un deuxième porte-avions à propulsion classique serait de l’ordre de 3 milliards d’euros, selon le délégué général pour l’armement, François Lureau. Par ailleurs, il ne manque plus que le feu vert de l’exécutif pour que soit signé le contrat avec la DCNS et Aker Yards, les négociations avec ces industriels ayant été bouclées en décembre 2007.

Mais, ce qui était cohérent en juin dernier ne semble plus l’être dix mois plus tard. Entre temps, la Commission pour le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale s’est installée et ses conclusions, attendues initialement en mars de cette année puis en juin prochain, devront sceller le sort du PA2.

« Il est évident que la situation budgétaire de l’équipement de nos forces rend difficile la construction du second porte-avions », a déclaré, hier, Hervé Morin sur les ondes d’Europe 1. « C’est un arbitrage que nous avons à faire, qui sera fait dans les semaines qui viennent », a-t-il ajouté.

Dans les années 1960, la France pouvait compter sur deux porte-avions, avec le Foch et le Clémenceau. Leur disponibilité et leurs capacités s’étaient néanmoins amoindries au fil du temps, le Clemenceau ayant connu quelques soucis avant la guerre du Golfe par exemple… Et les avions embarqués Crusader qui assuraient la défense aérienne ont été usés jusqu’à la corde.

Quoiqu’il en soit, la France ne semble plus avoir les moyens des ambitions qu’elle nourrissait à l’époque du général de Gaulle. « Quand on veut faire quelque chose, on trouve les moyens. Quand on ne veut pas, on trouve des excuses » avait dit le général Patton. Ces dernières années, les militaires ont souvent entendu des excuses, faute d’avoir eu des moyens supplémentaires.

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